Eric Malausséna Somatopathe

Quand la chenille devient papillon...

Accueillir son enfant intérieur

La somatopathie met en œuvre une écoute manuelle subtile de différents niveaux dans notre corps : lésions de suture, lésions musculaires…

Sur chacune de ces lésions j’apporte des corrections visant à aider le corps à reprendre son fonctionnement normal.

Mais si je me limite à cela, il manque l’essentiel. L’écoute identifie des lésions, certes, mais par-dessus tout, elle permet sur certaines de mettre en évidence des émotions associées. Ce sont ces émotions, qui, à un certain moment de l’histoire de la personne, ont dépassé sa capacité à les accueillir. Tout particulièrement dans l’enfance. Et heureusement, de nombreux mécanismes de protection sont en nous afin de nous permettre de continuer à fonctionner à peu près normalement malgré ces souffrances vécues, parfois terribles.

Notre corps (incluant le psychisme)  a cette capacité à enfouir en profondeur ce qui est insupportable. Bien entendu, même ce mécanisme a des limites. Mais si vous venez à mon cabinet… c’est que ce mécanisme vous a permis de  vivre jusque-là !

Pendant la séance, les corrections seront souvent associées à une verbalisation. Quand c’est nécessaire, je peux proposer à la personne de faire le lien entre ce que je ressens comme un blocage et un type d’émotion qu’elle a pu traverser. La mémoire peut faire défaut et ce n’est pas grave. Mais dans certains cas, cela permet de prendre conscience de l’importance de l’émotion ressentie dans ce passé et dont la trace est toujours présente.

Cela peut se faire durant la séance ou dans les jours qui suivent. Et quand cela arrive, un seul mot d’ordre : accueillir.

Accueillir cette émotion autant que possible, sans même chercher à comprendre quoi que ce soit. Ni d’où elle vient, ni pourquoi… juste accueillir. On ne cherche pas nécessairement à se remémorer son origine, mais juste à ressentir le fait qu’elle est encore présente aujourd’hui.

C’est ce geste d’accueil qui, pour plein de bonnes raisons, n’a pas pu être fait sur le moment, l’émotion étant alors trop forte… et cela peut être fait désormais.

J’utilise souvent une image. Celle d’un petit enfant qui est dans une aire de jeux avec sa maman. Cet enfant joue tandis que sa maman est assise sur un banc. Il tombe et se fait un peu mal. Aussitôt il commence à pleurer et à cherche sa maman du regard pour courir vers elle.

Sa maman lui ouvre les bras. L’écoute pleurer, l’écoute lui raconter les circonstances de sa chute… L’enfant exprime sans retenue son émotion. Il est entendue dans sa souffrance par sa maman qui l’écoute et lui donne le droit de pleurer. Au bout de quelques minutes… c’est fini. L’émotion s’est exprimée. L’enfant a été entendu… il peut retourner jouer. Il ne restera plus de traces de cet événement.

C’est ce qu’il nous est possible de faire maintenant lorsque l’émotion, enfouie il y a parfois longtemps, revient à la surface pendant ou après la séance. Nous autoriser à l’exprimer. Et entendre, être à l’écoute de notre enfant intérieur qui ne l’a pas été la première fois. Nous devenons alors le parent de cet enfant intérieur. Par ce geste, nous prenons notre autonomie en devenant celui qui permet la guérison de cet enfant.

C’est un geste d´amour pour nous-mêmes, pour notre intériorité. Nous cessons de l’attendre de l’extérieur. Et nous réalisons que nous pouvons grandir vers plus de liberté.

(Article, initialement publié en 2017, que j’avais à cœur de retravailler et republier)

La souffrance d’accueil

Cela fait maintenant des années que j’exerce à mon cabinet de Somatopathie à Carpentras(84). Des milliers de consultations, de rencontres humaines, d’accueils de la souffrance physique et souvent psychologique des personnes qui viennent me voir.

Chaque expérience est unique, chacune demande un accompagnement tout à fait spécifique à l’histoire de la personne qui vient s’allonger sur ma table. Mais avec le temps, j’ai vu apparaître un schéma récurrent chez nombre d’entre elles. Alors ce que je vais évoquer pourra vous parler, ou pas du tout. Il s’agit de ce que je vais appeler la souffrance d’accueil.

Voici l’histoire qui se dégage de la mise en place de ce schéma.

Pour une raison que la personne connaîtra ou pas, un événement lié à l’histoire de la grossesse de sa maman fait que le lien naturel ne se met pas en place au départ. Parfois il s’agit d’une grossesse inattendue et dont la maman n’est pas consciente au départ, parfois d’un événement dans l’histoire familiale qui déclenche un conteste émotionnel rendant impossible, au début, la mise en place de ce lien. Et là que je sois très clair : il est hors de question de faire culpabiliser qui que ce soit autour de cet événement. Chacun a fait ce qu’il a pu. De son mieux. Et la mise en place défaillante de ce lien n’empêche pas, à partir de la naissance, un lien chaleureux et bienveillant.

Mais dans ma pratique, cet événement initial crée une sorte de traumatisme autour de la peur, pour le bébé, de ne pas être accueilli, à tort ou à raison, mais c’est là. Cela va déclencher une insécurité affective et une sorte de réflexe de survie (si je ne suis pas accueilli, je ne serai pas nourri, donc danger) dans lequel le bébé va très vite développer une forte empathie afin d’essayer d’identifier ce qu’il doit faire pour attirer l’attention, ce qu’il doit faire pour les autres, afin de ne pas être rejeté, afin d’être aimé.

L’idée génératrice est : « J’ai peur de ne pas être aimé juste pour ce que je suis, alors je vais essayer d’être aimé pour ce que je fais ».

Cette bascule insidieuse va conduire le bébé et l’enfant à prendre la responsabilité de toutes les relations qu’il noue. S’il y a un problème, c’est forcément qu’il a mal fait quelque chose. Alors il s’adapte, se suradapte. Il aura tendance à devenir le parent de l’un ou de ses deux parents. Il doit toujours faire quelque chose pour l’autre.

En grandissant, ce schéma se complexifie et envahit toute la sphère relationnelle : amicale, amoureuse, professionnelle.

Dans cette peur d’être rejeté, abandonné, de ne pas être aimé, l’enfant et le jeune adulte développe des relations visant à le rassurer sur ce plan là. Des relations dans lesquelles les autres sont plus ou moins dépendants de lui, c’est en tous cas ce qu’il croit. Des autres qui sont en demande, dans un besoin dont lui est pourvoyeur. Et dans cette relation de dépendance inconsciente, alors il est rassuré : l’autre a besoin de moi, il ne m’abandonnera pas.

Cela a plusieurs effets délétères :

  • la vie lui montrera que sa stratégie est vouée à l’échec par ce qu’il sera abandonné quand même lorsque l’autre n’aura plus besoin,
  • cela le conduira parfois souvent à entretenir des relations avec des personnes manipulatrices qui utiliseront son fonctionnement en s’appuyant facilement sur le chantage affectif,
  • il devient celui sur lequel tout le monde s’appuie, celui sur qui on peut compter, une sorte de SuperMan ou SuperWoman dont personne ne se doute des faiblesses, bien au contraire
  • faute de se ressourcer, l’énergie s’épuise jusqu’au stade où il peut ne plus même supporter ceux qu’il aime
  • progressivement, il perd le contact avec ses propres envies.

Et souvent, quand la personne vient me voir, elle en est déjà à ce stade. À force d’être tout le temps branchée sur le désir des autres, la réponse aux demandes des autres, avant toute chose… elle a fini par mettre définitivement ses propres envies au placard, n’étant plus à leur écoute.

Et lorsqu’elle est seule, le vide. Il n’y a personne pour créer en elle le moteur de l’envie. Toute seule, elle ne sait plus ce qu’elle veut, ce qui lui ferait vraiment plaisir, allant jusqu’à parfois se défendre en répondant que « c’est de faire plaisir aux autres qui lui fait plaisir »…

À ce stade, le travail en séance va demander lentement de venir faire prendre conscience de l’ampleur du schéma en place, et de venir faire lâcher ces régions du corps dans lesquelles les émotions ont fini par se loger, moteur de ces angoisses existentielles. Viendra ensuite le temps de la découverte que les désirs ont toujours été présents, juste glissés sous le tapis. Pouvoir commencer à les accueillir, les ressentir… l’étape suivante étant décisive : pouvoir s’autoriser, face à toutes les peurs associées à l’idée d’être égoïste, et les peurs liées au fait de ne plus être aimé si je laisse s’exprimer mes envies, et donc aussi mes limites, mes refus. La personne devient alors celle qui s’accueille, pour la première fois, telle qu’elle est, sans le masque de ce qu’elle doit montrer aux autres.

C’est tout un processus qui demande patience, bienveillance… c’est l’exploration d’un monde inconnu jusque-là.

Mais c’est une magnifique découverte, quel que soit l’âge, que celle de découvrir : j’ai le droit d’être, et pas seulement de faire.

Le plus beau cadeau pour moi, c’est d’assister à cette transformation.

De tout coeur avec toutes celles et ceux qui se sentent concernés.